Ces Différends Qui Perdurent (Suite)
Avant d’effleurer quelques solutions, nous allons voir une autre des raisons pour lesquelles les différends perdurent dans les couples, une raison qui semble d’ailleurs être la principale : c’est les différences entre l’homme et la femme ; différence dans la perception, différence dans la réflexion, et j’en passe. Quand un homme et une femme se rencontrent, tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Puis, lorsqu’ils commencent à vivre ensemble, les choses changent très vite, et parfois la vie devient invivable dans le foyer. L’un et l’autre font parfois des efforts qui semblent rester infructueux. Ensuite, on se sépare avec l’impression qu’on aurait pu arranger les choses. On n’a pas pu bien communiquer malgré le fait qu’on s’aimait. Que s’est il passé?
Ce qui s’est passé est tout simple. Chacun a voulu assimiler l’autre à son insu. L’homme a pensé tout naturellement que la femme pensait comme lui et l’a traitée comme il aurait voulu qu’elle le traite, et vice-versa. Et ça n’a évidemment pas marché. La plupart du temps, l’homme s’est investi dans son travail, espérant ainsi pouvoir satisfaire tous les besoins de sa dulcinée, pensant la rendre fière de lui. Mais ce n’est pas arrivé. Plongé dans son travail, il a eu de moins en moins de temps à lui consacrer, et par conséquent, de moins en moins de temps pour les compliments sur sa beauté ou autre, pour les sorties ensemble ; et sa participation aux travaux domestiques est progressivement devenue nulle – car il pense qu’il fait amplement sa part en ramenant de l’argent à la maison – bref, il accorde de moins en moins d’attentions. Or, la femme se nourrit d’attentions, chose qu’il n’a pas comprise. Ne manquer de rien est certes agréable, mais l’homme doit savoir que la femme aime surtout savoir pouvoir compter sur son mari. Lorsqu’elle a le sentiment d’être privée de ce privilège, il arrive qu’elle soit de mauvaise humeur et cherche, inconsciemment, à le lui faire payer. Et Dieu seul sait combien une femme de mauvaise humeur peut être difficile à vivre.
La femme de son côté, au lieu de faire savoir à son mari la raison de sa mauvaise humeur, entretient la rancœur dans son cœur jusqu’à l’inévitable explosion. Lorsqu’elle veut que son mari l’aide, au lieu de le lui demander de façon directe et sans équivoque, elle se met à se plaindre, espérant que son mari comprenne et vole à son secours. Si elle veut par exemple que son mari l’aide à faire la lessive, elle va dire à peu prêt ceci : « J’ai passé toute la journée à travailler, je suis allée au marché, ensuite j’ai fait la cuisine malgré ma tête qui me faisait mal; et lorsque j’ai fini, j’ai encore dû aller chercher l’enfant à l’école. A présent, je ne sais pas comment faire pour laver les vêtements des enfants qui sont empilés là depuis deux jours ; je suis si fatiguée. » Malheureusement, le mari comprend bien que son épouse est fatiguée mais ne perçoit pas que c’est un appel au secours ; il ne comprend pas que sa femme veut l’entendre dire : « Va donc te reposer, chérie, je me charge de la lessive. » La pauvre femme fait ça plusieurs fois sans jamais avoir le résultat escompté et, elle se met à en vouloir à l’homme qu’elle aime ; elle est à mille lieux de se douter que son mari n’a pas compris les choses comme elle le pense. Tout aurait été plus simple si elle était allée droit au but en disant : « Chéri, veux tu m’aider à faire la lessive ? » En fait, ce qui paraît évident pour l’un ne l’est pas forcement pour l’autre.
Une des caractéristiques de la femme, c’est son inclination naturelle à couvrir son conjoint de petites attentions. En revanche elle espère, consciemment ou non, recevoir le retour de la manivelle de la part de son bien aimé. Faut-il pour autant conclure que cette bienveillance est intéressée ? Conclusion trop facile ! La femme incarne la tendresse, et on a beau donner de manière désintéressée, on ne peut s’empêcher d’assimiler autrui à soi et attendre la même générosité de lui. Ainsi le femme s’enquiert-elle de tout, a toujours tendance à prodiguer des conseils qu’elle s’assure que son époux suive. Cette attitude est motivée par les meilleures de ses intentions – elle veut et croit bien faire. Cependant le mari, de son coté, ne perçoit pas toujours les choses de la même façon : il est fréquent qu’au lieu d’être réjoui, celui-ci soit plutôt frustré ou attristé parce qu’il croit voir en cela un manque de confiance de sa dulcinée. J’en ai fait l’expérience dans mes premières années de mariage ; je croyais bien faire jusqu’au jour ou mon époux m’a posé la question de savoir pourquoi je le traitais comme un enfant. Je n’en revenais pas ; moi qui voulais et pensais être la plus aimable des femmes ! Certaines femmes font encore la même erreur ; ce qu’elle prend pour de petites attentions, leur époux le prend facilement pour un manque de confiance. Or, un homme n’aime pas avoir le sentiment que sa femme ne lui fait pas confiance. Lorsque cela se produit, il finit tôt ou tard, par exploser.
Par ailleurs, certains hommes n’éprouvent pas de scrupule à réprimander leur femme en public. Cette attitude est très insultante et humiliante pour une femme qui a alors le sentiment que son mari manque d’égard à son endroit. Même si elle ne dit rien, elle est profondément blessée. Les femmes qui ne savent pas remercier leurs maris de leurs efforts, qui les contredisent en public, qui passent le temps à les critiquer, leur faisant croire qu’ils ne sont que des incapables, celles qui à chaque discussion rappellent à leurs conjoints leurs erreurs passées, se rendent tout aussi bien coupables du même « délit ».
Les hommes en général ont tendance à ne penser qu’à de « grandes » choses lorsqu’ils veulent faire plaisir à leurs épouses, et dans leur désir sophistiqué de procurer de la joie à leurs dulcinées, ils négligent ou passent à côté de ces petites choses auxquelles les femmes sont largement plus sensibles et qui leur apportent beaucoup plus de joie et de bien-être. Ainsi, tout « intelligents et respectueux » qu’ils sont, ils ne savent pas écouter leurs femmes, ils ne les respectent pas, ils ne savent pas les prendre dans leurs bras, les complimenter, ils ne s’en pressent pas de leur ouvrir la portière à la descente d’un taxi ou de leur voiture.
Toutes ces façons d’agir de l’homme et de la femme viennent du fait de leurs différences. Si l’un et l’autre essayaient de comprendre la façon de l’autre de percevoir ou comprendre les choses, leur vie de couple serait sans doute différente, c’est-à-dire meilleure. Mais chacun semble se focaliser sur ses besoins non satisfaits et ne se doute pas un seul instant que son partenaire a les mêmes problèmes ou tout au moins des préoccupations de même nature que les siennes. Chacun pense le plus souvent s’acquitter honorablement de ses « obligations », alors que l’autre a l’impression et même la certitude d’être le seul à faire ce qu’il faut. Dans cette situation, il devient difficile hélas, pour l’un comme pour l’autre, d’essayer de comprendre celui d’en face. Et à force de perdurer, les petits différends finissent par s’éterniser.